"Edvard Munch : l'oeil moderne 1900 - 1944" au Centre Pompidou
L 'exposition Edvard Munch : l'oeil moderne s'est terminée dimanche dernier, après des prolongations. J'y suis allée quelques jours avant sa fermeture, en nocturne, et je ne regrette pas du tout, j'ai vraiment adoré l'exposition !
Le sujet de l'exposition est très clair et exprimé dès le début : il s'agit de présenter le travail d'Edvard Munch en montrant en quoi il est moderne (alors qu'on a l'habitude de dire que c'est un peintre du XIX° siècle - il a pourtant peint jusqu'en 1944) et en expliquant sa vision particulière du monde et la façon dont il l'exprime dans ses oeuvres. Tout ça, sans montrer le fameux Cri.
Moi qui commence à saturer des expositions chronologiques, je suis ravie : on a un thème par salle, regroupant des oeuvres d'époques variées. Exemples de thèmes : les variations sur un même thème ; la théâtralité ; la suggestion du mouvement ; le rayonnement (notamment lumineux mais pas seulement) ; l'autoportrait... Et dans chaque salle, un panneau pas trop long à lire explique comment Munch a travaillé sur ce thème, et une dizaine de tableaux très bien choisis qui illustrent parfaitement la thèse énoncée. Tout est très clair, et très didactique.
Les deux premières salles m'ont particulièrement frappées. Elles évoquaient les variations et les différentes reprises d'un même sujet dans l'oeuvre de Munch. Mais au lieu de mettre bêtement les oeuvres d'un sujet proche côte à côte, le commissaire de l'exposition a trouvé un moyen beaucoup plus astucieux qui m'a émerveillée : on entre dans la première salle, et on voit quelques tableaux sur des sujets tous différents. On se dit que c'est l'instroduction, qu'on a là un aperçu de sa carrière. Deuxième salle, agencée exactement de la même manière : aux murs, les reprises des sujets que l'on a vu précédemment, exactement au même endroit que dans la première salle. Du coup, on a envie de revenir en arrière pour comparer, mais tout concorde. Il y a tout de même des petites différences entre les deux versions d'un même tableau, et c'est ça qui est intéressant évidemment.
Deux salles exposant des photographies ou des dessins rythmaient l'exposition. J'ai appris que Munch avait fait pas mal d'autoportaits photographiques, parfois drôles, parfois en série, parfois posant à côté de ses toiles, et ça m'a fait pensé à quelqu'un qui jouerait avec sa webcam ou avec le retardateur de son appareil photo, et qui poserait comme ça pendant des heures, pour s'amuser. Imaginez que toutes les photos que vous avez fait pour déconner (que ceux qui n'ont jamais joué avec les effets déformants, colorés, sépia, etc. de leur webcam me lancent la première pierre) se retrouvent un jour dans une exposition !
Enfin, j'aimerais vous montrer une oeuvre qui m'a particulièrement plu, Le Baiser, de 1897. Je suis restée scotchée devant l'oeuvre un bon moment. Il en a fait de très nombreuses versions, mais en modifiant un peu la composition. Le couple pouvait être habillé ou nu, dans un intérieur ou à l'extérieur... C'est cette version que je préfère, avec le couple devant une fenêtre, comme à l'abri du monde extérieur dont il est coupé par un rideau. La fusion des deux visages, qui n'empêche pas de discerner à qui appartient quel menton, et la sorte d'énergie (sous forme de vibrations) qui émane du couple enlacé m'ont particulièrement émue.
Edvard Munch, Le Baiser, 1987. Oslo, Munch Museet.
Deux autres "versions" de ce thème : Le Baiser, 1895, Pinacothèque de Paris (qui n'était pas exposé au Centre Pompidou), et Le Baiser sur la place au clair de lune, 1914, Munch Museet d'Oslo.
Le Baiser de 1914 a fait partie d'une frise, "La Vie", que Munch décrit ainsi : "La Frise est conçue comme une série dont l'ensemble constitue un panorama de la vie. Tout au long courent les ondulations du même rivage. Au delà s'étend la mer, en perpétuel mouvement. Sous les arbres, la vie se déroule dans toute sa plénitude et sa variété, avec sa part de joies et de souffrances."
Une des choses que j'ai apprises grâce à cette exposition, c'est que Munch n'a pas uniquement peint des choses déprimantes. Il y a eu de la joie dans sa vie, et il a su le reconnaître et l'exprimer. C'est en partie ce qui m'a plu dans cette exposition : elle détruit les clichés pour montrer au public la réalité et la vérité, et non ce qu'il attend de voir.